Quels sont les objectifs de la peine en matière de récidiviste d’alcool au volant ?

R. c. Lacasse, 2015 CSC 64

[6]                              Bien qu’il soit dans l’ordre des choses pour les juges d’instance de considérer d’autres peines que l’emprisonnement dans les cas qui s’y prêtent, en l’espèce, comme dans tous les cas où la dissuasion générale ou spécifique et la dénonciation doivent primer, les tribunaux disposent de très peu de moyens à part l’emprisonnement pour satisfaire à ces objectifs, lesquels sont essentiels au maintien d’une société juste, paisible et respectueuse des lois.

[…]

[73]                          Bien que les objectifs de dissuasion et de dénonciation demeurent pertinents dans la plupart des cas, ils revêtent une importance particulière à l’égard d’infractions susceptibles d’être commises par des citoyens habituellement respectueux des lois. En effet, ce sont ces derniers, davantage que les multi-récidivistes, qui sont sensibles à des peines sévères. Les infractions de conduite avec les capacités affaiblies en sont un exemple évident, comme l’a rappelé notre Cour dans l’arrêt Proulx :

[I]l est possible que la conduite dangereuse et la conduite avec les facultés affaiblies soient des infractions à l’égard desquelles il est plus plausible que l’infliction de peines sévères ait un effet dissuasif général.  Souvent, ces crimes sont commis par des citoyens qui respectent par ailleurs la loi, qui sont de bons travailleurs et qui ont un conjoint et des enfants.  Il est possible de supposer qu’il s’agit là des personnes les plus susceptibles d’être dissuadées par la menace de peines sévères: R. c. McVeigh (1985), 1985 CanLII 115 (ON CA)22 C.C.C. (3d) 145 (C.A. Ont.), à la p. 150; R. c. Biancofiore (1997), 1997 CanLII 3420 (ON CA)119 C.C.C. (3d) 344 (C.A. Ont.), aux par. 18 à 24R. c. Blakeley(1998), 1998 CanLII 6218 (ON CA)40 O.R. (3d) 541 (C.A.), aux pp. 542 et 543. [par. 129]

[74]                          Comme je le rappelais en introduction, des tribunaux de diverses régions du pays ont souscrit au principe selon lequel les objectifs de dissuasion et de dénonciation devaient être favorisés dans l’infliction de peines pour ce type d’infraction. À titre d’exemple, la Cour d’appel du Québec a souligné ce qui suit dans l’arrêt Lépine :

Les sentences imposées pour des crimes, impliquant la conduite de véhicule automobile de façon dangereuse sous l’influence de l’alcool, doivent viser à dissuader le public de façon générale quant à ce genre de conduite. Aussi, notre Cour a maintenu des peines de détention significatives pour des infractions de cette nature : R. c. KellyJ.E. 97-1570 (C.A.).

Bien souvent la gravité objective de ces crimes s’évalue plus en fonction des conséquences et de l’ampleur de celles-ci que du degré de conscience coupable, d’où l’augmentation des peines maximales par le législateur selon la conséquence qui a résulté de la conduite.

La perte d’une vie humaine occasionnée par la conduite d’un véhicule sous l’effet des facultés affaiblies est une conséquence à laquelle on ne peut remédier, d’où l’importance pour les tribunaux d’envoyer un message de réprobation à l’endroit des personnes qui se placent dans une situation potentiellement dangereuse, et ce, même si le délinquant n’est pas une personne criminalisée non plus qu’il n’ait voulu cet incident tragique. [par. 19-21]

[75]                          Dans le même sens, la Cour d’appel du Québec s’est exprimée ainsi dans l’arrêt Brutus :

En terminant, il y a lieu de rappeler que les tribunaux tiennent depuis longtemps des propos fort sévères concernant la commission des infractions routières de ce genre et affirment la primauté des objectifs de dénonciation et de dissuasion pour exprimer leur volonté de marquer par des peines exemplaires la réprobation de la société à l’égard de ces crimes, particulièrement dans les cas où des conséquences graves (comme en l’espèce) en résultent pour les victimes. La réprobation de la société peut se traduire par des peines d’incarcération plus longues, qui ont un effet dissuasif à la fois sur le délinquant lui-même et sur tous ceux et celles qui seraient tentés de l’imiter. La peine imposée en l’espèce n’est pas déraisonnable au regard de cet objectif, pas plus qu’elle ne l’est au regard de toutes les circonstances propres à l’affaire. [par. 18]