Brière c. R., 2017 QCCA 1106 

L’infraction d’abus de confiance

[20]        L’infraction d’abus de confiance à l’article 122 du Code criminel a fait l’objet de précisions par la Cour suprême dans divers arrêts. Elle fait partie des infractions qui mettent en cause l’intégrité des fonctionnaires et protègent les fondements du fonctionnement démocratique : R. c. Hinchey, 1996 CanLII 157 (CSC), [1996] 3 R.C.S. 1128, par. 14.

[21]        L’infraction vise des comportements variés. La Cour suprême explique que toute tentative de les définir précisément entraîne le risque d’en exclure. Cela n’en fait pas une infraction à portée illimitée. Pour paraphraser la Cour suprême, l’infraction vise une faute suffisamment grave qui représente un écart marqué de la conduite attendue ou prudente du fonctionnaire dans l’exercice de sa charge, étant entendu que cela ne vise pas les simples erreurs ou les erreurs de jugement : R. c. Boulanger, 2006 CSC 32 (CanLII), [2006] 2 R.C.S. 49, par. 52‑54. L’intention de le faire à d’autres fins que l’intérêt public doit également être démontrée, ce qui est notamment le cas lorsqu’on poursuit un objectif de malhonnêteté, de partialité, de corruption ou d’abus : R. c. Boulanger, [2006] 2 R.C.S. 49, par. 56.

[22]        Sans surprise, à défaut d’une preuve directe où l’accusé exprime son intention, celle-ci s’infère des circonstances : la tentative de camoufler le geste, un avantage personnel substantiel qui en résulte, la poursuite de son propre intérêt plutôt que celui du public sont autant d’éléments qui permettent d’inférer l’intention requise, étant entendu qu’un avantage indirect découlant de l’exercice légitime de sa charge ne permet pas de conclure à un état d’esprit coupable : R. c. Boulanger, 2006 CSC 32 (CanLII), [2006] 2 R.C.S. 49, par. 57.

[23]        L’appelant décrit la situation comme des tractations qui s’inscrivent dans la vie politique normale. Or, il ne s’agit pas ici de la vie politique normale, mais du comportement d’une fonctionnaire au sens du Code criminel et celui de l’appelant qui l’aidait à atteindre son objectif en encourageant des tiers à participer à ce plan.

[24]        Quoi qu’il en soit, la Cour suprême rappelle que les fonctionnaires « doivent répondre de leurs actions devant le public d’une façon qui ne s’impose peut‑être pas aux acteurs privés » : R. c. Boulanger, 2006 CSC 32 (CanLII), [2006] 2 R.C.S. 49, par. 52.

[25]        Or, ces tractations visaient à obtenir un avantage personnel évident, soit le maintien en poste, en échange d’un comportement qui, par omission, permettait de l’obtenir. Ce quid pro quo est indéniable et illégal dans la mesure où les fonctionnaires adhérents placent leurs intérêts personnels avant ceux du public.

[26]        La preuve permettait également au juge de conclure que l’appelant, même s’il n’était pas lui-même un fonctionnaire, était pleinement au courant de cet objectif et qu’il participait en toute connaissance de cause à l’entreprise de convaincre Cordato, Thifault et Kemp de se joindre à ce plan déjà arrêté entre Zambito et St-Jean : R. c. J.F., 2013 CSC 12 (CanLII), [2013] 1 R.C.S. 565, par. 26, 39. Ce plan contrevenait aux devoirs de la charge de St-Jean.

[27]        L’appelant a tort de s’appuyer sur l’affaire R. c. O’Brien, [2009] O.J. 5357 (C.S.O.) et de prêter au juge Cunningham les propos suivants : « to want no election is not a crime. Were this an offence, there would be a need for many more jails. ». Ce n’est pas ce que le juge écrit, mais bien : « [i]t is not an offense to want an opponent to withdraw from a political race, nor it is an offense to encourage an opponent to seek alternative employment. Were this an offence, there would be a need for many more jails. ». La différence est de taille. Dans la mesure où l’on cherche à convaincre un opposant politique, avec des arguments légitimes, qu’il devrait se retirer ou ne pas se présenter à une élection, cela n’est peut-être pas en soi répréhensible en l’absence de menaces ou d’une contrepartie. Dans l’affaire O’Brien, c’est cette contrepartie qui n’avait pas été prouvée hors de tout doute raisonnable par la poursuite, ce qui a mené à l’acquittement du fonctionnaire.

[28]        Pour tous ces motifs, je propose de rejeter l’appel.